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A fleur de peau

Éveil d’un rêve qui aura duré 30 ans

 

Oublier l’avant était facile - j’étais si petite - il n'y en avait pas - pas de souvenirs - pas d’avant.

La malchance, le destin ou la chance - nommer ce 7 janvier 2020 n’est pas chose facile - ce jour où tout bascula. 

Un jour comme tous les autres - jusqu’à l’accident: eau bouillante - panique - douche froide - douleurs et hurlements - urgences - soins et puis l’appel pour prévenir les proches - les rassurer (ou me rassurer moi?) « ce n’est rien de grave, tout va bien… ».

 

Deux semaines au lit, bras et mains bandés avec l’image d’une momie dans mes pensées - et à passer mon temps à essayer d’oublier. 

Deux semaines sans douleurs - la brûlure est trop profonde - les terminaisons nerveuses sont touchées - c’est du deuxième degré.

 

Le chemin de la guérison commença de façon technique: nettoyage, crème bandage - nettoyage, crème bandage - nettoyage, crème bandage. Jusque là j’y arrivais. Mais après deux semaines tout changea - tout n’était que pure émotion - les douleurs arrivèrent, les émotions incomprises firent leur apparition. 

Le médecin me donna son accord de sortie - pas besoin de revenir au service des grands brûlés - maintenant j’étais responsable de mon suivi. Un dernier conseil - une phrase qui résonne en moi - « Marie, ce n’est pas fini! Le travail commence aujourd’hui… »  Mes brûlures cicatrisaient bien, j'étais soulagée et dans l’incompréhension. Tout semblait pourtant bien évoluer. « Le corps n’oublie jamais - vous êtes une grande brûlée depuis 30 ans - après ce deuxième accident vous allez le réaliser et devez apprendre à l’accepter. » Les voilà ces grands mots si effrayants GRANDE BRÛLÉE - j’avais toujours essayé de les éviter...

 

Cette fameuse mémoire du corps - elle eut raison de moi. Enfin je compris le bonheur de l’oubli - l’oubli de l’accident, l’oubli des douleurs, l’oubli de la panique et l’oubli de l’avant - mes mains avaient cicatrisé - mais elles ne sont plus les mêmes - plus les miennes. Durant 30 ans j’ai couru après des souvenirs oubliés pour comprendre enfin que ma mémoire m’avait fait le plus beau des cadeaux. 

La bénédiction de l’oubli.

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Ceux qui me connaissent savent que je suis une grande brûlée. C’est une association de mots impressionnante.

Difficile d’imaginer ce que cela représente pour les non-initiés. 

 

Un grand brûlé est une personne ayant vécu une brûlure de deuxième ou troisième degré sur un pourcentage important de son corps. Mais être une grande brûlée c’est bien plus que ça… Ce sont les souvenirs ou l’absence de souvenir d’un accident qui aura changé notre vie, le séjour à l’hôpital, les interventions à répétitions, les soins sur des années pour avancer à petits pas sur le chemin de la guérison et puis l’apprivoisement de ce corps pas méconnu mais n’étant plus le même pour autant… 

J’ai vécu une brûlure au troisième degré à l’âge de 2 ans - un évènement qui accompagne ma vie depuis.

Avec la chance de ne pas me souvenir d’un avant… 

​

C’est un combat quotidien pour ne pas me définir à travers ces mots qui paraissent si grands - 

GRANDE BRÛLEE – quelle stigmatisation, c'est effrayant. 

Mais cette brûlure n’est pas seulement liée à des difficultés - bien sûr elle apporte son lot de traumatismes, de douleurs. Se faire insulter par ceux qui sont mal à l’aise par les cicatrices qu’on ne peut ou ne souhaite pas cacher.

Mais elle m’a surtout forgée… 

​

Sans elle qui serais-je aujoud'hui? 

Elle m’a rendu plus vulnérable. 

Elle m'a endurcie.

Elle m’a rendu plus forte et appris a profondément aimer la vie. 

J'ai appris la compassion, la tolérance, la beauté, le regard bienveillant, l’amour pour la beauté cachée.

Elle m'a offert des souvenirs de séjour à l’hôpital, entourée par des infirmières au sourire encourageant, des journées sans école – aller à la visite annuelle avec mes parents présents et aimants, un médecin plein de compassion touchant ma brûlure avec des mains de géant - avec un touché si délicat qu’il me permettait de m’abandonner à l’anesthésie sans hésiter … 

 

Certaines images peuvent être difficiles à regarder… mon souhait n’est pas de choquer, mais de démontrer qu’en regardant de plus près, la beauté peut se découvrir, même de façon inespérée.Dans l’espoir que le spectateur accepte de dépasser ce premier regard pour y porter un second en y découvrant les nuances, l’histoire et la beauté de la différence. 

 

Nous avons tous nos cicatrices… pas besoin d’être une grande brûlée pour se brûler soi-même au premier degré. Avec son propre regard impitoyable, nous fixant, nous détestant, avec une violence rare et forgeant notre mémoire pour très longtemps. 

Nous avons des difficultés à nous accepter et nous aimer. 

Nous devons apprendre à nous regarder avec bienveillance et sans juger.  

Et regarder l’autre sans cette gène déplacée. 

Apprendre regarder les histoires que les corps des autres nous racontent, à les écouter nous parler - à prendre le temps qu’elles méritent en nous parlant avec une rare honnête. 

Trop souvent nous détournons le regard, nous cherchons la similitude, les corps identiques aux histoires cachées, au lieu d’accepter la différence et de voir la beauté. 

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